VCoxamPascaline : Bonjour Véronique, tu es directrice de recherche à l'INRA dans le domaine de la nutrition. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton travail ?

Véronique : Je travaille dans le secteur de la nutrition préventive, c'est-à-dire sur les relations entre la nutrition et la santé. L'objectif est de prévenir les maladies chroniques dégénératives liées à l'âge dont la recrudescence augmente chez l'homme en raison de l'allongement de la vie. Je m'intéresse tout particulièrement aux maladies osseuses, telle que l'ostéoporose, une fragilisation du squelette qui correspond à la célèbre "fracture du col du fémur" et aux tassements ou fractures au niveau vertébral, fréquents chez les personnes âgées.

 

 Véronique Coxam

Pascaline : Qu'est-ce que tu aimes dans ton métier ?

Véronique : La diversité ! Il n'y a pas de routine, aucun jour ne ressemble à l'autre ! La richesse des rencontres aussi, car je côtoie des étudiants, des collègues, des industriels, des politiques... Et puis l'impression d'être un peu utile à la société, en travaillant sur des problèmes de société pour lesquels nous essayons d'apporter des solutions innovantes et efficaces.

Pascaline : Qu'est-ce qui t'a amenée à t'intéresser aux problématiques de nutrition du Nunavik ?

Véronique : A l'origine, le projet au Nunavik, c'est vraiment le fruit du hasard, une opportunité qui s'est ouverte à un membre de mon équipe. Et j'avoue avoir été d'emblée très attirée par la région qui fait d'ailleurs rêver beaucoup de monde : je m'en rends compte en en discutant avec mon entourage, il y a toujours une lueur dans les yeux des gens quand on parle du Grand Nord ! Et puis en m'intéressant à la problématique, je me suis rendue compte qu'il y avait urgence à agir pour améliorer l'alimentation, et donc la santé des populations autoctones et j'aimerais apporter ma petite pierre à l'édifice.

Pascaline : En quoi consiste le projet Pirursiaq, qui est aujourd'hui lauréat de l'APR 2016 ?

Véronique : Le projet Pirursiaq s'inscrit globalement dans le domaine de la sécurité alimentaire et donc plus précisément dans la continuité des APR "Serres" et "Agreenculture". L'objectif est d'améliorer la qualité nutritionnelle de l'alimentation des populations du Nunavik, qui ont tendance à abandonner leur alimentation traditionnelle pour des pratiques occidentalisées dans leur travers le plus dramatique : sucres, boissons sucrées, graisses... qui couvrent aujourd'hui 38% de leurs apports énergétiques ! Il s'agit donc d'essayer de réintroduire dans leur alimentation un peu de produits végétaux riches en micronutriments (tels que certaines vitamines, minéraux et polyphénols), vecteurs d'effets santé. La particularité de Pirursiaq tient dans le fait que l'on souhaite travailler avec les communautés sur leurs plantes locales, notamment avec l'aide de Thora Herrmann qui est ethnobotaniste, pour que les populations autochtones se réapproprient leurs habitudes alimentaires ancestrales qui contenaient, outre les produits de chasse et pêche, les produits de la cueillette, et pour leur permettre également de mieux profiter des vertues médicinales de certaines plantes locales.

Pascaline : Comment va se dérouler le projet concrètement? Vous allez organiser des ateliers ?

Véronique : Nous allons travailler sur 2 villages : le premier, c'est Kuujjuaq où des serres communautaires ou individuelles sont déjà installées. L'objectif est de voir comment ces implantations ont permis d'améliorer leur alimentation et de travailler avec eux à l'optimisation des productions, notamment on voudrait tester les pratiques hydroponiques dont la rentabilité est plus importante et qui permettraient également d'éviter des contaminations par la terre importée du Sud. Par ailleurs, le projet est couplé à un programme relatif aux énergies, ce qui nous permet d'avoir une approche très globale avec des compétences complémentaires. Le second village, c'est Kangiqsujuaq qui est 

Serre Ellenau stade de la réflexion de l'installation de serres. Les habitants sont très motivées par le projet ! Là, l'approche est totalement différente. Il s'agit de les aider à installer des serres et leur donner les premières indications sur les techniques de culture, la sélection optimale de fruits et légumes qui pourraient être cultivés, et de la même façon, travailler sur les plantes locales et sur leurs qualités nutritionnelles et médicinales.

La serre de Kuujjuaq, été 2012 (©E.Avard)

Pascaline : J'imagine que cela implique une longue session de terrain. Vous avez prévu de partir bientôt ?

Véronique : Oui, nous y allons très prochainement, au mois de juin. Annie Lamalice, la doctorante du projet, sera 6 semaines sur le terrain et Thora Herrmann et moi-même la rejoindrons pendant 2 semaines. Annie est en train de se former aux techniques du jardinage pour pouvoir proposer des ateliers très pratiques, adaptés à différentes tranches d'âge. On s'appuiera sur les techniques de Recherche Action Participation (RAP), en espérant susciter l'intérêt d'un grand nombre d'habitants...

 

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