DHaillotPascaline : Bonjour Didier, tu es enseignant chercheur spécialisé dans l'énergétique. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton métier ?

Didier : Je suis enseignant chercheur à l'ENSGTI, une école d'ingénieur publique qui fait partie de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA), et je suis également rattaché au Laboratoire de Thermique Energétique et Procédés (LaTEP) pour tout ce qui concerne mes projets de recherche. Je travaille dans le domaine de l'énergétique, principalement sur l'énergie solaire et les questions de stockage thermique de l'énergie. Je partage donc mon temps entre l'enseignement, la recherche avec notamment l'encadrement de doctorants et les activités administratives.


Didier Haillot dans son laboratoire (©S.Molina)  

Pascaline : Qu'est-ce qui te plaît dans ton métier ?

Didier : La diversité de la recherche que je peux mener ! Je peux travailler sur des procédés très appliqués pour des industriels qui veulent mettre sur le marché un produit dans un ou deux ans, ou alors travailler avec un archéologue qui étudie le système de chauffage d'une villa romaine. Dans ce cadre, l'objectif est alors pour moi, thermicien, de réussir à modéliser les transferts thermiques afin de comprendre l'usage de ces systèmes de chauffage. C'est ce que j'aime dans mon métier : avoir toute une palette de projets différents avec des enjeux divers, qui font appel à une large gamme de compétences. Je peux aussi bien réaliser une expérience avec la blouse blanche ou avec des prototypes à taille industrielle que travailler sur ordinateur pour modéliser les transferts thermiques dans un système énergétique.

Pascaline : Qu'est-ce qui t'a amené à travailler dans le cadre de l'OHMI Nunavik ?

Didier : J'ai eu l'opportunité de rencontrer d'autres chercheurs qui travaillent sur le projet PIRURSUAQ et ainsi d'échanger avec les personnes qui travaillent dans les serres installées au Nunavik. Ils m'ont fait part des problèmes énergétiques auxquels ils font face, notamment le fait qu'il puisse y avoir en plein été une nuit très froide qui fait chuter brutalement la température. Mon domaine de prédilection étant le stockage de l'énergie, je me suis tout de suite demandé si l'on ne pourrait pas appliquer des systèmes de stockage de chaleur sur la serre... L'idée serait alors d'emmagasiner la chaleur dans des matériaux à forte inertie thermique afin qu'elle soit restituée quand la température baisse afin de maintenir un niveau de température constant sans l'intermédiaire d'appoints électriques. Cela permettrait de réguler la température de la serre, ce qui est évidemment mieux pour la croissance des plantes.

Serre

 

 

 

Serre de Kuujjuaq (©A.Lamalice)

Pascaline : C'est l'objet du projet SEQINEQ, qui est lauréat de l'APR 2016 ?  

Didier : L'enjeu de SEQINEQ est d'imaginer un système de stockage adapté au Nunavik et réalisable avec les ressources locales. Un autre enjeu du projet est de former les habitants à des bonnes pratiques de gestion de l'énergie et qu'ils s'approprient ce savoir. Mais tout cela nécessite avant tout de faire un état des connaissances sur le sujet : comment les gens sont-ils approvisionnés? comment consomment-ils ? ... et pour cela, le terrain est indispensable !

Pascaline : C'est prévu pour bientôt ?

Didier : Oui, dans quelques jours ! Je pars une semaine à Kuujjuaq, une semaine à Kangiqsujuaq puis à nouveau une semaine à Kuujjuaq. Les problématiques énergétiques ne sont pas les mêmes, car ce sont des tailles de village assez différentes. J'emmène avec moi tout un tas de capteurs qui vont me permettre de faire une cartographie de la température et de l’humidité relative dans la serre ainsi qu'une caméra thermique pour identifier les bâtiments les moins bien isolés. J'espère pouvoir rencontrer les acteurs locaux de l'énergie ainsi que les gens d'HydroQuebec.

Pascaline : Ce sera la première étape du projet SEQINEQ ?

Didier : Tout à fait ! La seconde sera de déterminer de quelle manière la consommation d'énergie globale dans les communautés peut être réduite en mettant en place des bonnes pratiques, on parle alors de sobriété énergétique, mais cela fera l'objet d'un second terrain peut-être l'année prochaine. Puis viendra ensuite le temps de mettre en place des systèmes d'efficacité énergétique tels qu'une meilleure isolation, une gestion automatisée des consommations etc.. Enfin, nous travaillerons sur l'implantation d'énergies renouvelables, notamment le solaire thermique et le photovoltaïque (le laboratoire CNRS Procédés Matériaux et Energie Solaire de Perpignan est associé au projet). Le projet SEQINEQ est un projet sur le long terme et on espère qu’il prendra de l’ampleur ! Il faut dire que la collaboration avec le projet PIRURSIAQ est très stimulante et qu'il existe également d'autres projets "complices", tels que des projets de mise au point de maisons à énergie positive adaptées au climat nordique, avec l’Ecole de Technologie Supérieure de Montréal. Tout cela laisse présager de belles interactions dans l'avenir...

Retrouvez l'intégralité de l'entrevue ICI