Pascaline : Bonjour Armelle, tu es chercheur au CNRS, affectée dans un laboratoire de recherche hébergé à l'université de Nantes, spécialisée en géomorphologie. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton travail exactement ?
Armelle : J'étudie les formes de relief de surface et les processus qui les ont modelées, l'évolution du paysage en quelque sorte. Je regarde leur évolution à différents pas de temps, que ce soit un événement passé de quelques minutes comme un éboulement suite à un orage puissant, ou alors un événement datant du début de l'Holocène, lorsque les grandes calottes se sont retirées il y a 10000 ans environ. Mon terrain correspond aux régions subarctiques, où je me rends régulièrement l'été.
Pascaline : Qu'est-ce qui t'a amené à travailler en Arctique ?
Armelle : Eh bien, ce sont des régions relativement peu étudiées encore, les données en géomorphologie sont très éparses, donc il y a beaucoup à faire ! Il faut dire aussi que les températures l'été me conviennent... :)
Armelle Decaulne sur le terrain (© D.Mercier)
Pascaline : Qu'est-ce que tu aimes tout particulièrement dans ton métier ?
Armelle : Le partage entre deux mondes : le terrain où l'on acquière les données, et le traitement de ces données par la suite qui implique aussi de travailler avec des étudiants, ce qui signifie qu'il y a une part d'enseignement et de transfert des connaissances. Et puis il y a le partage avec d'autres chercheurs du monde entier qui étudient les mêmes processus mais sur des terrains et avec des problématiques parfois très différentes. Au final, on peut identifier des recoupements dans nos travaux et c'est très enrichissant !
Pascaline : Ton projet AGIR est lauréat de l'appel à projet de recherche 2016 de l'OHMI Nunavik. Peux-tu nous expliquer en quoi il consiste ?
Armelle : C'est un projet qui cherche à développer une meilleure connaissance des processus de pente dans le parc de Tursujuk, au sud ouest du Nunavik, en particulier autour du lac à L'Eau Claire. Dans ce secteur, les dynamiques de pente sont extrêmement actives mais pour la plupart encore mal connues. Ce que l'on aimerait, c'est recenser le type de mouvement que l'on peut observer à l'échelle de la saison (avalanches en hiver, coulées de débris ou glissements de terrain en été), et puis essayer de mettre cela en relation avec les populations pour mieux connaître les situations de vulnérabilité. L'un ou l'autre événènement pourrait en effet s'avérer dangereux pour les populations...
Le Lac à l'Eau Claire (© A.Decaulne)
Pascaline : Le lac à l'Eau Claire est un lieu fréquenté ?
Armelle : On ignore quelle est la fréquentation exacte de cette zone mais les populations locales s'y rendent pour des activité de chasse et pêche, ainsi que des touristes venus du Sud qui peuvent obtenir une autorisation pour accéder au parc. Le problème, c'est que l'on ignore si ces personnes ont conscience du risque encouru ou s'ils savent identifier les signes avant-coureurs. Il est donc prévu de communiquer les résultats de nos recherches aux autorités du parc afin qu'ils puissent informer les populations et les visiteurs, notamment via des plaquettes explicatives.
Pascaline : A quand ton prochain terrain au Nunavik ?
Armelle : Au mois d'août ! Nous serons trois ou quatre à partir pour passer 10 jours sur le terrain. L'objectif de cette mission est de localiser les différents processus via les formes qui en résultent. On va donc essayer de hiérarchiser la fraicheur des formes observées pour identifier si l'on a à faire à un processus encore actif ou s'il est "hérité", c'est à dire qu'il date de plusieurs siècles ou millénaires et qu'il a peu de chances de se reproduire dans l'avenir. Et ça, c'est une analyse que l'on ne peut faire que sur le terrain !
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