Pascaline : Bonjour André, tu es professeur à l'université de Montréal, à la faculté de médecine vétérinaire. Peux-tu nous parler de ton métier ?

André : Je suis vétérinaire de formation, spécialisé en épidémiologie vétérinaire et actuellement, je suis professeur en épidémiologie et santé publique vétérinaire, c'est-à-dire que je m'intéresse à tous les aspects de santé publique pour lesquels un animal intervient dans la problématique, que ce soit un chien ou un moustique.

ARavelPascaline : Tu as toujours été chercheur ?

André : Non, bien au contraire, j'ai eu un parcours assez atypique. J'ai d'abord été consultant en épidémiologie vétérinaire après mon doctorat, puis j'ai travaillé pour le gouvernement fédéral canadien 11 ans, et ce n'est que depuis 5 ans que je suis professeur à l'université de Montréal, avec une grosse charge d'enseignement. En parallèle, j'ai toujours fait un peu de recherche, mais je ne suis pas un chercheur de carrière.

André Ravel avec un habitant de Kuujjuaraapik, sur les hauteurs du village (©L.MacMahon)

Pascaline : Qu'est-ce que tu aimes dans ton métier ?

André : Les problématiques sont très diversifiées, ce qui me permet de toucher à beaucoup de maladies, et puis c'est assez mathématique via l'épidémiologie quantitative notamment, ce qui me plaît bien... Je crois que ça me passionne tout simplement !

Pascaline : Depuis combien de temps t'intéresses-tu à ce qui passe en Arctique ?

André : Cela fait 4 ou 5 ans, dans le cadre d'un projet auquel j'ai été invité à me joindre. Ce qui m'intéressait particulièrement dans ce projet, c'était que l'on voulait essayer une approche éco-santé" ou "participative", c'est-à-dire que l'on travaille avec les membres de la communauté. Ce genre d'approche m'intéresse car je cherche définitivement à me sentir utile dans mes activités de recherche. Je me suis dit qu'avec un projet si hautement participatif, partant de la communauté, avec une problématique réelle, et que l'on essayait de résoudre avec la communauté, je pouvais peut être me rendre utile et le réaliser ...

Pascaline : Ton projet qui traite des chiens et de ses impacts sur la santé, est lauréat de l'APR 2016 de l'OHMI Nunavik. Peux-tu nous expliquer quels en sont les objectifs ?

André : Ce projet vise à réduire les effets néfastes du chien sur la santé humaine au Nunavik et à amplifier ses effets bénéfiques. Les effets néfastes, c'est l'agressivité des chiens et surtout les morsures. En effet, au Nunavik, il y a la rage du renard arctique qui peut affecter les chiens lorsque ceux-ci se font mordre par les renards, et donc potentiellement les humains par l'intermédiaire des morsures des chiens infectés. C'est un problème très préoccupant car la rage est une maladie fatale pour l'homme une fois que les signes cliniques sont développés... Pour cette petite population de 12000 habitants, on relève un grand nombre de cas de morsures à risques. Il faut alors que les services de santé administrent un vaccin ou des anticorps à la personne mordue avant que le virus ne se propage... A ce problème de rage se superpose le problème de surpopulation : les chiens se promènent librement dans les villages et peuvent donc se reproduire rapidement ! Il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de vétérinaire du tout au Nunavik, un territoire grand comme l’Espagne ! D'un autre côté, on cherche également à faire ressortir les effets bénéfiques de la présence des chiens chez les gens.

Pascaline : Quelles sont les grandes étapes de votre projet ?

André : Puisqu'il s'agit d'une approche participative, on travaille avec la communauté à toutes les étapes du projet. Avant toute chose, il faut établir le portrait le plus juste et le plus complet de ces aspects néfastes et bénéfiques, pour faire émerger ensemble les solutions les plus faisables et acceptables. Il s'agit ensuite de mettre en oeuvre ces solutions décidées conjointement et finalement d'évaluer leurs effets. Ce n'est qu'avec une forte participation de la communauté que nous pourrons aboutir à des solutions durables et efficaces.

Pascaline : Vous avez déjà pu identifier quelques pistes avec les habitants ?

chiens ARavelAndré : Oui, des mesures ont déjà été mises en place par le GIV (Groupe International vétérinaire), qui est un groupe d'intervention de la faculté de médecine vétérinaire et qui a été interpellé par nos partenaires locaux tels que la Société Makivik. Le GIV a monté une initiative de support de santé animale (cliniques vétérinaires avec étudiants, guide du chien spécifique à cette région, hotline) et de santé publique vétérinaire dont découle le présent projet. Celui a décollé il y a un an grâce à l'obtention de financements


Chien du Nunavik (©A.Ravel)

 

Pascaline : Avez-vous prévu de repartir au Nunavik prochainement ?

André : Ce projet a des projets complices sur lesquels des étudiantes vont partir très prochainement pour étudier le comportement du renard à proximité des villages, ou suivre une cohorte de chiens pour collecter des renseignements sur leur santé et leur démographie. Dans le cadre de notre projet, outre de très bons contacts avec les partenaires locaux, nous avons déjà pu réaliser un sondage auprès des propriétaires de chiens pour avoir des données sur les chiens (démographie, utilisation, nourriture, problèmes de santé, état de vaccination, perception des chiens etc...). Il faut maintenant aller plus loin et pour cela, la présence sur le terrain est nécessaire, mais nous ne savons pas encore quand.

Pascaline : Quel est ton ressenti global vis-à-vis de ce projet ?

André : C'est tout un défi de faire cette approche participative ! C'est très prenant mais aussi très valorisant car il y a une interaction avec les personnes directement concernées et c'est ce qui fait la beauté du projet ! Le projet se déroule bien, il progresse bien. Je suis très content et très fier de toute l'équipe mais il faut le mener jusqu'à son terme, et il reste encore beaucoup de travail...

 

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