Système alimentaire / Niqiliriniq (Taking care of food): Les relations alimentation-environnement-santé au Nunavik et les pistes de solutions pour la sécurité et la souveraineté alimentaire de demain.

Co-Porté par Thora Herrmann et Véronique Coxam

Dans l’Arctique, la transformation drastique du mode de vie a fait perdre à ses habitants une partie importante du contrôle qu’ils peuvent exercer sur l’offre alimentaire, ainsi que l’accès à la connaissance des aliments nouvellement introduits dans leur paysage nutritionnel. À travers les cas de Kuujjuaq et de Kangiqsujuaq, le projet Niqiliriniq (Prendre soin de la nourriture en Inuktitut) se penche sur les représentations que se font les résidents du Nunavik de leur système alimentaire actuel et sur les failles et pistes de solutions qu’ils peuvent identifier, afin d’améliorer l’accès à une alimentation satisfaisante pour leur santé et leur bien-être. Si le jardinage nordique est considéré comme une démarche innovante, dans quelle mesure le développement d’une production locale d’aliments peut-elle véritablement contribuer à la souveraineté alimentaire du Nunavik ? Quels sont  les scénarios du futur envisageables pour ce type de production et son rôle à jouer dans une stratégie alimentaire holistique ?

Entretien avec les membres du projet NiqiliriniqIMG 20180702 153557

  • Comment est né le projet ?

Face aux problématiques d'insécurité et de perte de souveraineté alimentaires caractérisées par une diminution de l'accessibilité à la nourriture traditionnelle, de la perte de qualité et de fraîcheur des aliments et l'augmentation des maladies diététiques, plusieurs projets communautaires de productions locales de fruits et légumes ont vu le jour au Nunavik depuis ces dernières années. Le projet de recherche participative axées sur la communauté nommée Niqiliriniq a débuté en 2015 en se basant sur les résultats co-produits par Ellen Avard et plusieurs membres de la communauté de Kuujjuaq au travers du projet de serre local. Depuis cela le projet Niqiliriniq rassemble des membres des villages de Kuujjuaq et de Kangiqsujuaq et plusieurs chercheures issues de domaines variées avec pour ambition commune de développer les pratiques et connaissances sur la production végétales en climat arctique.

 

  • Où a-t-il lieu ? Quelles sont les communautés concernées ?

À Kuujjuaq, le projet de serre communautaire aura bientôt 10 ans et sa popularité ne cesse d’augmenter, si bien que l’espace disponible est devenu insuffisant face au nombre croissant de jardiniers. À Kangiqsujuaq, la communauté a exprimé le souhait de démarrer son propre projet de jardinage communautaire et notre équipe accompagne ce processus depuis 2015. Dans ces deux villages, nous saisissons ces initiatives de production locale comme une opportunité pour réfléchir avec la communauté sur l’ensemble du système alimentaire, incluant les défis relatifs aux différentes sources d’approvisionnement et les facteurs qui favorisent ou contrecarrent la souveraineté alimentaire au Nunavik.

 

  • Quels sont les interlocuteurs ? Quelle est l’équipe (renvoyer sur les profils).

Les principaux collaborateurs sont à Kuujjuaq, le comité de la serre porté par Marc-André Lamontagne ainsi que la Régie Régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, notamment la nutritionniste Léa Laflamme. A Kangiqsujuaq, l'équipe travaille étroitement avec la municipalité locale, notamment avec Elijah Ningiuruvik (Manager), Alasie Qumaaluk (Coordonnatrice de projet) et Pasa Kiatqinaq (trésorière) ainsi que l'ensemble du corps enseignant et la direction de l'école Arsaniq dont notamment la directrice, Dany St-Hilaire.

La projet Niqiliriniq se compose de 6 femmes chercheures, étudiantes et diplomées:

Thora Herrmann (Co-porteuse du projet et professeure agrégée au département de géographie de l'Université de Montréal)

Véronique Coxam (Co-porteuse du projet et directrice de recherche à l'INRA)

Annie Lamalice (Étudiante au Doctorat (2015), spécialisation: Souveraineté et sécurité alimentaire au Nunavik)

Sylvie Blangy (Co-directrice de l'OHMI-Nunavik et chercheure au CEFE du CNRS)

Marion Macé (Diplomée d'une Maîtrise en évaluation environnementale à l'Université de Concordia)

- Géraldine Laurendeau (Étudiante en Maîtrise au département de géographie à l'Université de Montréal)

 

  • Comment a-t-on procédé ? Quelle démarche a-t-on utilisé ? Comment travaille-t-on ensemble localement ?

Ce projet de recherche participative axée sur la communauté s'inscrit dans une perspective interdisciplinaire afin d'appréhender les interrelations entre santé et environnement de façon holistique, en tenant compte des répercussions sociales, culturelles, écologiques et spatiales d'un système alimentaire Inuit en transition. L'APR Niqiliriniq s'intéresse au système alimentaire dans son ensemble et sur le potentiel d'une production alimentaire locale comme un des éléments d'une solution plus globale qui viserait à “réparer” cette rupture dans les interactions humaines-milieux.graph francais

Le projet se développe autour 4 objectifs majeurs: 

  1. 1. Consolider les données pour une meilleure puissance statistique des résultats déjà obtenus.

Depuis 2015, une étude de la traçabilité des productions serricoles (qualification et pesée des récoltes) et de leur impact nutritionnel est en cours à Kuujjuaq tout comme la collecte des données concernant les axes serriculture et nutrition-santé à Kangiqsujuaq.

  1. 2. Caractériser et analyser le système alimentaire du Nunavik.

L'élaboration de cartes mentales relatives aux sources et stratégies d'approvisionnement en aliments et la réalisation d'entrevues et de questionnaires semi-dirigés sont en cours afin d'analyser la perception et la représentation des systèmes alimentaires des habitants de Kuujjuaq et Kangiqsujuaq.

  1. 3. Identifier les leviers d’action et co-construire les scénarios du Food Maps Mars 2018futur.

Plusieurs ateliers de recherche action participative (e.g. ligne de temps) et des entrevues semi-dirigées ont été mis en place afin de réfléchir ensemble sur les pistes de solutions et les leviers d'actions envirageables pour une alimentation saine, équilibrée et suffisante dont notamment les effets émergents d'une production locale sur le système alimentaire Inuit actuel.

  1. 4. Développer une cartographie interactive et alimenter le site internet.

Deux cartes intéractives relatives aux différents initiatives de production alimentaire locale dans le Grand Nord canadian et au système alimentaire Inuit sont en processus d'élaboration. Un site web (Polarharvest.com) et une page facebook sont en construction afin de rendre les données produites et co-produites accessibles et offrir un espace de discussion aux communautés sur les pratiques d'agriculture circumpolaire (collaboration avec l'APR Seqineq).

  1. 5. Démarche de conceptualisation, aide à la décision/action.IMG 20180417 111723

L'organisatoin d'une enquête auprès des décideurs et organismes impliqués dans la problématique de sécurité alimentaire au niveau local, régional, national et international est en cours afin de contextualiser ces mutations. La mise en commun des données collectées entre les APR Nuna et Niqiliriniq vise à permettre une réflexion globalisée sur les liens qu'entretiennent les Inuit avec leur territoire .

Afin d'accompagner les communautés dans leur projet communautaire de production alimentaire, plusieurs ateliers de sensibilisation au jardinage et à la cuisine ont été offerts dans les écoles et différentes institutions à Kangiqsujuaq et Kuujjuaq (e.g. municipalité, maison des aînés, Société Makivik).

 

  • Quels sont les résultats produits ?

Une évaluation faisant ressortir les points forts, faiblesses et défis des résidents du Nunavik au regard des enjeux de sécurité et souveraineté alimentaire et de l'articultation des différents systèmes alimentaires a été produite et va permettre de formuler des recommendations.

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La réalisation d'une carte intéractive des projets de jardinages nordiques au Canada qui est directement intégrée au site web a pour visée de partager à grande échelle les informations principales sur les initiatives horticoles et de mettre en contact les coordonnateurs des projets ainsi que les résultats des données collectées. La mise en place de ces outils (i.e. Carte intéractive, site web et page facebook) a été réfléchie dans l'optique de permettre une large accessibilité des informations co-produites et de servir d'outil d'aide à la décision.

Suite aux ateliers de jardinage offerts pendant l'hiver 2018 et à la construction de bacs de culture en format de mini-serre (avec toit transparent) pendant l'automne 2017 avec des élèves de l'école de Kangiqsujuaq, la première saison de culture a pu débuter pendant l'été 2018 au sein de la communauté. Quatre bacs de cultures ont été installés à côté de différentes institutions dont la muncipalité, la corporation foncière, la maison des aînés et la clinique qui ont permis la production de légumes (e.g. Laitue, pois, oignons verts, carottes), petits fruits (e.g. Fraise) et plantes locales (e.g.Qunguliit). Cette première expérience de culture a permis de renforcer l'intérêt et la motivation des membres du village de Kangiqsujaq impliqués dans le projet ouvrant ainsi la voie à de nouvelles collaborations potentielles et au développement du projet à plus grande échelle pour l'année prochaine.

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  • Quels sont les événements les plus marquants ?

Notre approche participative et collaborative correspond à la volonté de l'OHMI-Nunavik de travailler avec les communautés en fonction de leur priorité. La mise en place de projets horticoles s’insère dans une démarche communautaire globale qui vise, à terme, l’amélioration de la santé et du bien-être des Inuit. Au cours de ces trois dernières année, notre équipe a établi des liens forts avec d’autres projets de recherche OHMI (Energie, Nuna, Aquabio, …) ainsi qu'avec des organismes locaux et régionaux tels que la municipalité de Kangiqsujuaq, la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik et la Société Makivik (e.g. Centre de recherche et le département de développement économique et social) et répond, entre autre, à la réflexion sur l’événement fondateur de l’OHMI qui est la mise en application du Plan Nord et le développement économique de l’Arctique Québécois.

Une étroite collaboration s’est mise en place au cours de l’année 2017 avec l’APR Seqineq qui s’inscrit dans l’axe 1 : « Développement industriel, développement durable et sources d'énergie renouvelable ». Cette collaboration s’est matérialisée par une publication commune publiée par la revue Ecoscience en 2018 et la création d’un site Internet commun à nos deux projets.

 

Les liens vers des sites web et publications créés pour ce projet en particulier.

Lamalice et al. (2018). Building food and energy security in the Canadian Arctic through community greenhouses.Ecoscience.

Diaporama APR Pirursiaq

Makivik Magazine

Site Internet du projet: Polar Harvest

Page Facebook du projet: Polar Harvest Community

Unpointcinq.ca: Un vent de fraîcheur souffle sur le Grand Nord

Pièces jointes