Projet co-porté par Didier Haillot et Daniel Rousse
Vivant sur des territoires isolés où aucune route terrestre ne permet de se rendre, les Inuit du Nord canadien font face, depuis les dernières décennies, à de grands défis d’adaptation, notamment sur le plan de l'accès à l'énergie. Étant hors réseaux électriques, les communautés sont extrêmement dépendantes des produits pétroliers pour leur production électrique et thermique provenant, respectivement, de génératrices diesel et de la combustion du mazout. L'implantation de moyens de production énergétique renouvelable constitue une alternative afin de produire de l’énergie « propre » réduisant ainsi le recours aux énergies fossiles. L'équipe du projet Seqineq se penchent depuis 2016 sur des techniques d'emmagasinage de chaleur au niveau de la serre de Kuujjuaq afin de limiter l'impact des fortes écarts de température sur les cultures pendant leur période de maturité.
Interview avec Didier Haillot, Co-Porteur de l'APR Energie / Seqineq
- Comment est né le projet ?
Grâce à l'OHMI-Nunavik et l'interaction avec les différents chercheurs impliqués au sein du laboratoire, j'ai eu l'opportunié de rencontrer le groupe travaillant sur les projets de serre au Nunavik (e.i. APR Serre) ainsi que les acteurs locaux impliqués dans ces projets, notamment à Kuujjuaq. Après qu'ils m'aient fait part des problèmes énergiques auxquels les projets de serres font face, notamment le fait qu'il puisse y avoir en plein été une nuit très froide qui fait chuter brutalement la température, nous avons commencé à étudier l'application des systèmes de stockages de chaleur sur la serre. En d'autres mots, nous nous penchons vers les techniques possibles d'emmagasinage de la chaleur dans des matériaux à forte inertie thermique pendant la journée. Ce système permettrait ensuite de restituer la chaleur emmagasinée lorsque la température baisse et ainsi maintenir un niveau de température constant sans l'utilisation d'appoints électrique. Tout cela serait donc bénéfique pour la croissance des plantes.
Serre communautaire de Kuujjuaq (photo D. Haillot)
- Où a-t-il lieu ? Quelles sont les communautés concernées ? Les interlocuteurs?
Les études sont pour l'instant orientées vers Kuujjuaq où deux serres sont déjà en activité. L'équipe travaille en étroite collaboration avec le comité de la serre de Kuujjuaq afin de s'adapter au mieux aux enjeux techniques sur place et à leur besoin. Le Centre de recherche Makivik avec Ellen Avard fait aussi partie intégrante du projet.
- Quelle est l’équipe ?
- Didier Haillot: Co-Porteur du Projet Seqineq, Enseignant Chercheur à l'école d'ingénieur : ENSGTI, Chercheur au Laboratoire de Thermique Énergétique et Procédés (TEP). Domaine de spécialisation: énergie solaire et stockage thermique.
- Paul Pichet: Étudiant au Doctorat au Laboratoire de Thermique Énergétique et Procédés (La TEP) Sujet de Thèse: l'optimisation énergétique de serres en milieu circumpolaire.
- Daniel Rousse: Co-Porteur du projet Seqinieq, professeur à l’ÉTS où il est directeur du Groupe t3e et directeur de la maîtrise en énergies renouvelables et en efficacité énergétique.
- Cédric Arrabie: Ingénieur d’étude en électronique à l’École Nationale Supérieure en Génie des Technologies Industrielles (ENSGTI) et au Laboratoire de Thermique Énergétique et Procédés (LaTEP).
- Stéphane Gibout: Maître de conférences à l’École Nationale Supérieure en Génie des Technologies Industrielles (ENSGTI)
- Xavier PY: Professeur à l’Université de Perpignan et chercheur au laboratoire PROMES CNRS.
- Comment a-t-on procédé ? Quelle démarche a-t-on utilisé ? Comment travaille-t-on ensemble localement ?
La première partie du projet en 2016 et 2017 a consisté à implanter 13 capteurs afin de faire une cartographie de la température, de l'humidité et du flux solaire relative de la serre de Kuujjuaq ainsi qu'une caméra thermique pour identifier les bâtiments les moins bien isolés. Cette première visite avait aussi pour but de rencontrer les acteurs locaux de l'énergie, notamment la municipalité de Kuujjuaq, l'Administration Régionale Kativik ainsi que le personnel d'HydroQuébec. Grâce aux capteurs installés dans la serre, de nombreuses données solaires et thermiques ont été collectées et analysées. Actuellement nous développons une nouvelle instrumentation modulable pour permettre de recueillir les données en ligne. D’autre part, nous travaillons à la mise en place d'un modèle thermique qui sera utilisé comme outil de design lors du rehaussement de la serre de Kuujjuaq ou bien lors de la mise en place de serres dans d‘autres villages.
Position des capteurs dans la serre et exemple de capteur.
- Quels sont les événements les plus marquants ? Anecdotes…
Les difficultés du terrain au Nunavik, par exemple en 2016 les pyranomètres, achetés et commandés en France sont restés bloqués 10 jours aux douanes à Toronto...
- Quels sont les résultats produits ?
L'analyse des données d'irradiance solaire a révélé un fort potentiel de l'énergie solaire à Kuujjuaq, notamment du fait que les jours de printemps en été sont relativements longs et même plus longs que dans le Sud de la France. Les données de température de la serre ont mis en avant un fort écart de température entre le jour et la nuit avec une différence moyenme de 25°C. Cette différence pourrait considérablement être réduite grâce à l'installation de systèmes de stockage thermique comme des volumes d'eau, des lits de pierre, des matériaux à changement de phase ou la géothermie.
Analyse de la température de la serre de Kuujuaq
Par ailleurs SEQINEQ est la partie “génie thermique” d’un projet plus global de jardinage au Nunavik, intégrant les aspects nutritions, ethnobotaniques, acceptation sociale...A ce titre nous avons produit un article scientifique avec d’autres collègues de l’OHMI.
- · Les liens vers des sites web créés pour ce projet en particulier.
Pièces jointes